20 Décembre 2019

[Télécommunications] Le défi des mégaconstellations

Embouteillages en vue dans l’espace ! Après OneWeb, qui a démarré en 2019 le déploiement de 648 satellites de télécommunications, SpaceX en annonce 12 000 et Amazon plus de 3 000.
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Constellation OneWeb Crédits : OneWeb Satellite

L’objectif des mégaconstellations est de répondre aux besoins croissants de connectivité Internet à très haut débit partout dans le monde, y compris dans les régions les plus reculées. Evoluant sur des orbites basses comprises entre 500 et 1500 km de la Terre, elles promettent aussi de réduire le délai de transmission du signal Internet par rapport aux satellites géostationnaires situés à 36000 km. 

De la téléphonie à l’Internet à haut débit

Cette révolution a été amorcée il y a trois décennies. Les premières constellations visaient à compléter la couverture mondiale de téléphonie mobile. Ce sont les projets américains Iridium (77 satellites), lancé à partir de 1997, et Globalstar (48 satellites), déployés en 1998, avec une forte contribution européenne. « La nécessité d’utiliser des téléphones spécifiques et le coût des abonnements ont cantonné ces systèmes à des marchés de niche. Ce sont malgré tout des programmes qui se sont développés et qui ont été renouvelés dans les années 2010 », explique Jean-Philippe Taisant, responsable des programmes de télécommunications du CNES.

Après cette première vague, deux constellations sont étudiées à la fin des années 1990 autour de l’Internet à haut débit : SkyBridge (80 satellites), dont le CNES était un partenaire technique, et Teledesic.

Teledesic était la première vraie méga-constellation, avec 960 satellites et un système assez disruptif. Mais la concrétisation de ces deux projets n’a pas résisté à l’éclatement de la bulle Internet.

Jean-Philippe Taisant

Nouveaux entrants, nouveaux modèles

Il faut finalement attendre la décennie 2010 pour voir de nouvelles initiatives. Depuis 2013, la constellation O3B de première génération qui totalise 20 satellites fournit de l’Internet à très haut débit sur des plateformes off-shore ou des paquebots de croisière et dans des zones faiblement équipées en réseaux de télécommunication terrestres. Les mégaprojets en cours de développement ou de déploiement, Telesat (300 satellites), OneWeb (648 satellites), Starlink de SpaceX (12000 satellites) et Amazon (3226 satellites) marquent un changement d’échelle. 

Ces nouveaux entrants annoncent des investissements colossaux et se situent dans des schémas technologiques et industriels radicalement différents.

Derrière les effets d’annonce, leur succès n’est pas acquis et il faut étudier leurs bénéfices réels, notamment en termes de délais de transmission

Jean-Philippe Taisant

Il leur faudra également franchir des obstacles comme le coût encore très élevé des antennes capables de traquer les satellites défilants. Chaque opérateur a son analyse et sa réponse, mais ceux qui sont vraiment disruptifs sont OneWeb, SpaceX et Amazon, en raison du nombre de satellites projeté et de leur faible coût, des capacités déployées, des moyens gigantesques employés et du recours à des technologies qui sont éloignées de l’industrie du spatial actuelle.

Le rôle du CNES

Le CNES mène des actions de R&D pour positionner les industriels français sur les projets de constellations où le choix des fournisseurs est ouvert. Thales Alenia Space est par exemple le constructeur des deux générations de Globalstar, Airbus Defence & Space a réalisé les premiers prototypes de One Web, et les deux industriels sont en lice sur le projet canadien Telesat. D’une manière plus générale, le CNES analyse les évolutions technologiques et industrielles de l’écosystème pour soutenir la compétitivité des acteurs français et l’emploi dans la filière.

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interrogations éthiques

Le déploiement de dizaines de milliers de nouveaux satellites en orbite basse soulève des interrogations sur la gestion des orbites d’un si grand nombre d’objets opérationnels et celle des débris qui encombrent l’espace et font courir des risques aux satellites, mais aussi à l’ISS. « Les mégaconstellations créent des conditions que nous n’avons jamais connues et changent la manière de gérer l’environnement spatial, analyse Jacques Arnould, expert éthique au CNES. Au-delà des aspects techniques pour réduire la production de débris et s’en protéger, c’est la question de la durabilité des activités spatiales qui est posée. » La loi française sur les opérations spatiales (LOS) contient un certain nombre d’exigences relatives à la gestion des débris


A lire, le nouveau CNES Mag n° 82

Pour prolonger la thématique, vous pouvez lire en ligne gratuitement, le nouveau  CNESMAG. Au sommaire de ce numéro 82 : « Télécommunications spatiales, bienvenue dans une nouvelle ère ». Pour tout savoir sur la révolution en cours  dans le domaine des télécommunications par satellite, incontournables pour connecter demain l'ensemble des habitants de la planète et leur apporter des nouveaux services dans tous les secteurs de leur vie quotidienne.