27 Février 2017

[ENTRETIEN] Claire Tinel : Pléiades au service de l’humanitaire

Claire Tinel est experte en imagerie spatiale et représentante du CNES auprès de la Charte internationale "Espace et catastrophes majeures". Le 19 janvier dernier, elle a participé avec 2 autres collaborateurs à une expérience inédite dans sa carrière et pour le CNES : un Mapathon. Témoignage.
1-    Qu’est-ce qu’un Mapathon ?

Claire Tinel :

Quand une catastrophe survient ou quand une crise humanitaire se développe, les populations deviennent très vulnérables et, souvent, se déplacent pour fuir les zones dévastées ou les conflits. Pour leur venir en aide, les acteurs et ONG locaux et internationaux manquent d’informations et notamment de cartes renseignées leur permettant d’intervenir plus rapidement et efficacement.

Fort de ce constat, « Missing Maps » a été créé par la British Red Cross, l’American Red Cross, Médecins sans frontières et HOT- Humanitarian OpenStreetMap Team, dans le but de fournir des cartes thématiques de qualité aux organisations humanitaires.

C’est le cas pour le camp de réfugiés de Bidi Bidi situé en Ouganda à la frontière du Soudan du Sud. Ce camp accueille aujourd’hui 250.000 personnes. Combien seront-ils demain ? Comment les accueillir, s’organiser, leur donner un accès à l’eau ? Ce sont les questions que se posent les ONG qui interviennent dans ce camp devenu l’un des plus grands au monde, et en particulier Médecins sans frontières, présent sur place.

Pour répondre à l’appel des ONG, un 1er Mapathon a été organisé à Toulouse le 19 janvier dernier, événement auquel j’ai pu participer.

2-    Et concrètement, ça se passe comment ?

CT :

Une quarantaine de volontaires « mapmakers » réunis chez Airbus Intelligence avec le concours de Magellium et CartONG ont procédé à une cartographie de la zone 5 du camp (dernière zone d'accueil créée)

Pour compléter les cartes, les participants ont extrait les informations visibles sur une image satellite Pléiades du camp, acquise en début de semaine. Après 2 heures de travail collaboratif et interactif, 4 233 bâtiments et 271 km de routes ont été renseignés et sont directement accessibles aux acteurs humanitaires.

Ce travail préliminaire va permettre aux équipes terrain de Médecins Sans Frontières de compléter la carte en précisant l'implantation des réfugiés dans le camp, et en ajoutant des informations comme la présence des centres médicaux, la localisation des latrines et  des points d'eau (puits) difficilement détectables, à cause de leur petite taille sur l’image satellite, malgré la très haute résolution de cette dernière.

Pour représenter le CNES, j’étais accompagnée de Victor Poughon, ingénieur en traitement de l’image et d’un jeune embauché Agwilh Collet, ingénieur développement des applications spatiales.

3-    Que retirez-vous de cette expérience ?

CT :

Cette expérience inédite confirme l’utilité des images satellites dans des situations humanitaires et plus spécifiquement celle de la très haute résolution spatiale (THRS) des images Pléiades quand il s’agit d’identifier des abris ou des routes carrossables, voire même des sentiers.

Les images optiques satellitaires THRS sont régulièrement utilisées dans le cadre de la Charte internationale pour extraire de l’information de crise à la suite de catastrophes naturelles ou industrielles ; ce Mapathon m’a fait découvrir un nouveau domaine d’applications spatiales, ainsi que la communauté des « mapmakers » (voir encadré).

Pendant cette journée très intense, j’ai eu l’impression de me retrouver au cœur d’une fourmilière très organisée, où chacun a un véritable rôle à jouer, travaille vite et passe à la loupe des kilomètres carrés de carte, pour identifier les éléments recherchés. Cela demande une concentration accrue, c’est très impressionnant. 

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Une véritable communauté de « mapmakers » à travers le monde

L’action des bénévoles continue une fois le Mapathon terminé. Il est ainsi possible pour tout le monde et à tout moment de se connecter au Tasking Manager HOT (logiciel utilisé dans le cadre du Mapathon) pour contribuer à des projets de cartographies – ce qui est particulièrement utile pendant les crises humanitaires de grande ampleur. Une communauté de « mapmakers » existe ainsi à travers le monde, unie par ce même objectif d’aide humanitaire à distance.

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