22 Avril 2014

Sur les traces de Messenger... Et Einstein !

Il y a 40 ans, en 1974 puis 1975, la sonde Mariner 10 frôlait Mercure. Puis plus rien... jusqu'en 2011 et la mise en orbite de Messenger. Calculée par un logiciel du CNES, sa trajectoire a permis d'améliorer l'éphéméride de Mercure et d'apporter de nouvelles contraintes aux modèles théoriques de gravitation.
Crédits : NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/ Carnegie Institution of Washington.

Planète la plus proche du Soleil, Mercure vit dans la lumière avec discrétion. « Même Uranus et Neptune sont mieux connues : elles ont été frôlées par les sondes Voyager et sont observables par le télescope Hubble. La nuit, Mercure passe rarement devant une étoile » explique Agnès Fienga, astronome à l'Observatoire de la Côte d'Azur. Heureusement, Messenger a changé la donne.

Depuis son insertion en orbite en mars 2011, la sonde américaine a envoyé une foule d'images de la surface de Mercure et d'indices sur la composition de son noyau. Les données de navigation de Messenger, mises librement à disposition par la NASA, se sont aussi révélées précieuses. De manière quasi-continue, des ondes électromagnétiques sont envoyées vers Messenger qui les renvoie vers les antennes de 15 à 70 m de diamètre des stations terrestres. Il est alors possible de localiser très précisément le vaisseau spatial dans l'espace... En prenant en compte l'effet Doppler !

C'est là qu'est intervenu un logiciel développé par le CNES dans les années 60 et depuis sans cesse perfectionné : le logiciel GINS. « GINS est un outil qui permet de calculer la trajectoire d’un satellite artificiel autour de n’importe quel corps du système solaire : une planète, un satellite naturel, un petit corps ou le Soleil » indique Jean-Charles Marty, ingénieur CNES au sein du laboratoire Geoscience Environnement Toulouse. « Il nous a permis de déterminer la distance entre la Terre et Messenger, entre mai 2011 et septembre 2012, au mètre près ! »

Or qui dit orbite de Messenger, dit orbite de Mercure. Celle-ci a permis aux chercheurs des Observatoires de Paris et de Nice de donner un « point d'appui » à leur modèle appelé INPOP qui décrit le mouvement de l'ensemble des planètes du système solaire. Ils ont alors pu proposer la meilleure éphéméride de Mercure jamais produite et de nouvelles contraintes sur les paramètres de la relativité générale. « Près d’un corps massif comme le Soleil, la nappe de l'espace-temps est fortement déformée, il y a comme une dépression. Or Mercure est la plus proche du Soleil et donc la plus sujette à en subir l'effet. C'est d'ailleurs la prise en compte de cette courbure de l'espace-temps qui a permis à Albert Einstein, en 1915, d'expliquer pourquoi l'orbite de Mercure ne se referme pas sur elle-même : elle fait comme une spirale, il y a un décalage d'angle d'environ 43 secondes d'arc par siècle » explique Agnès Fienga. Prévue pour décoller vers Mercure en 2016, la mission européenne BepiColombo permettra d'affiner encore plus ces paramètres relativistes. Une dizaine d'instruments de la mission seront réalisés par des laboratoires français sous la supervision du CNES.

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Le logiciel GINS (Géodésie par Intégrations Numériques Simultanées) permet aussi de déterminer le champ de gravité de la planète autour duquel tourne un satellite ou une sonde, de simuler la trajectoire de futures missions ou de connaître au centimètre près les trajectoires des satellites GPS en orbite autour de la Terre.

Le modèle INPOP (Intégrateur Numérique Planétaire de l’Observatoire de Paris) a été lancé en 2003 par les équipes de l'Observatoire de Paris et de Nice afin de créer les premières éphémérides indépendantes européennes. INPOP fournit à l'heure actuelle les éphémérides de référence de la mission GAIA.

Légende de l'image principale : Messenger photographie la planète Mercure, en couleur,  pendant son approche en 2008.

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